Sibérie et le fleuve Amour.
Sibérie et le fleuve Amour
" Une heure plus tard : toujours rien. Combien de milliers de kilomètres ai-je survolés sans voir même un vestige humain ? Moi qui ai l’angoisse de la surpopulation planétaire, je ne puis que me réjouir d’un tel spectacle. Le paysage est d’une monotonie admirable ; ces collines perpétuellement dépeuplées sont la vision la plus réconfortante qui soit. Il y a de quoi retrouver sa foi en l’Apocalypse : comme la Terre se passe bien de nous ! Comme elle sera noble et calme quand nous aurons disparus ! Une heure plus tard : toujours rien. Je vais gagner mon pari. Si mes souvenirs scolaires sont exacts, le fleuve Amour devrait être dans le secteur. Tout ceci est plein de sens : l’Amour n’a pas choisi pour lit une région surpeuplée comme le Bangladesh ou la Belgique ; il a élu le territoire le moins fréquenté. L’Amour n’a pas choisi pour lit une zone chaude ou tempérée ; il se complaît où les glaces ont rendu la vie sinon impossible, au moins dure et pénible. Parmi les pays froids, il a opté pour le moins hospitalier, de sorte que sa neige reste vierge." Amélie Nothomb.