Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Entre Deux Eaux
Derniers commentaires
30 juin 2018

" La Douleur de Manfred " de Robert McLiam Wilson.

9782330103279

AVT_Robert-McLiam-Wilson_7231

" Manfred désirait mourir depuis longtemps. Ainsi, lorqu'il découvrit cette douleur nouvelle, il décida de la garder pour lui. Il devint secret, possessif - aux yeux du monde, semblable à un vieux père hébreu doté d'un fils nouveau-né. Cette attitude convenait bien à la situation, car sa douleur était vraiment infantile et elle lui semblait masculine. Ce n'était pas l'un de ses habituels élancements de fillette ou l'une de ses grandes souffrances de mauvais augure. C'était une présence constante, tenaillante ; une vigoureuse spirale d'inconfort. C'était une chose corrosive, virile. Non que Manfred eût déjà échafaudé quelque projet de suicide détaillé. Le suicide était selon lui la mort de l'idiot. Il pouvait attendre et avoir confiance. Sa douleur le faisait espérer. La mort invitée était une affaire beaucoup plus digne tant qu'on ne se l'infligeait pas soi-même. "

Le livre est édité en version anglaise en 1992 (en 2003 en version française). L'écrivain avait alors vingt-huit ans et sa capacité à décrire les tourments d'un homme au crépuscule de sa vie cherchant  une justification dans la douleur, celle qu'il s'impose mais celle qu'il impose à son épouse, fait preuve d'une grande maturité d'écriture ! 

L'amour dans la souffrance à l'égard de sa femme qui finira par lui demander la séparation, dont on a du mal à comprendre au début l'acceptation de tant d'avilissement, et puis ce rythme qu'elle lui impose vingt ans durant, une rencontre sur un banc d'un jardin public, une fois par mois, à une seule condition, celle qu'il ne la regarde jamais. Ce  visage qu'il a meurtri tant de fois, marqué par la violence de ses poings, ce pacte, il le respecte car ce bref moment de rencontre est ce qui lui est le plus précieux au monde et rythme son quotidien !

Un récit que l'on pourrait qualifier d'ingrat, de réaliste, un personnage pour lequel on peut éprouver à la fois de l'empathie et de l'antipathie, un environnement terne, un homme dont la vie n'a pas été particulièrement brillante, qui se fige dans sa solitude, éclairée par cette rencontre mensuelle, un désintérêt pour son fils unique, une indifférence à son égard qu'il a vécue très tôt et un rapport à sa violence  dont on comprendra au fur-et-à-mesure de la lecture les raisons qui l'y amène !

Sa maladie qui s'annonce, et qui annonce aussi la fin de sa vie, il ne veut pas la partager, au contraire, elle est comme un élément très privé, la partie noble de lui-même qui lui permet d'expier ses "péchés".

L'écriture de l'écrivain n'est pas dénuée d'ironie, ni même d'une certaine légèreté et d'une sobriété qui permet de donner une respiration au récit tout en le maintenant dans sa gravité première !

 

 

 

 

Publicité
Commentaires
Entre Deux Eaux
Publicité
Archives
Entre Deux Eaux
Visiteurs
Depuis la création 69 955
Publicité