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Entre Deux Eaux
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15 décembre 2018

" A son image " Jérôme Ferrari

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" La dernière fois qu'elle l'avait vu, dix ans plus tôt, il rentrait chez lui et elle l'accompagnait. Depuis que le car de Belgrade les avait déposés à la gare routière, il n'avait pas dit un mot. Et puis il s'était arrêté, toujours en silence, pour s'accouder à la balustrade d'un pont sur le Danube dont les bombardements de l'Otan de 1999 ne laisseraient bientôt subsister que les piliers. Antonia se tenait en retrait, l'appareil photo à la main, et elle le regardait. Il portait un treillis déchiré sur lequel il avait cousu ses galons de sergent et, sous l'insigne de la JNA (Armée populaire yougoslave) dissoute, un écusson serbe à l'aigle bicéphale flanqué des quatre sigma lunaires......Il se renait la tête entre les mains. Il ne regardait pas les eaux noires du fleuve, le ciel chargé de pluie. En passant près de lui, un groupe de très jeunes gens qui s'avançait sur le pont avait ralenti et éclaté d'un rire incompréhensible en le toisant ostensiblement. Antonia avait pris la photo, la dernière du reportage qu'elle lui avait consacré et qui ne serait jamais publié. Il avait d'abord semblé ne pas réagir. Et puis il avait relevé la tête et Antonia avait vu qu'il pleurait. Il avait ramassé son sac et, alors qu'elle s'apprêtait à le suivre, il l'avait arrêtée d'un signe de la main et elle était restée sur le pont à le regarder s'éloigner jusqu'à ce qu'il eût disparu et qu'il fût trop tard pour d'autres adieux. "

C'est lors d'un office funèbre que nous ferons connaissance d'Antonia, décédée trop jeune alors qu'elle conduisait, fatiguée, sur une route en Corse. Sa voiture fera une embardée dans le ravin.

L'office est célébrée par son oncle et parrain et, autour du cercueil, se déroule le fil de sa vie, ses amours, sa passion pour la photo dont son parrain fut l'un des instigateurs en lui offrant son premier appareil photo, ses envies, ses espoirs, ses désenchantements et, à travers son métier, son approche de la vie, de la mort, de la distance à prendre et de l'émotion à retenir.

Si l'écriture n'était aussi fluide, nous pourrions craindre de ces très longs paragraphes qui prennent des pages entières et de la difficulté à les couper quand il s'agit de refermer le livre et de se souvenir de l'instant où nous l'avons laissé !

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