" A perdre la raison " UGC Toison d'Or

Réalisateur : Joachim Lafosse.

Acteurs : Emilie Dequenne, Niels Arestrup, Tahar Brahim, Stéphane Bissot, Mounia Raoui, Redouane Behache, Baya Belal, Nathalie Boutefeu.

2012

Prix d'interprétation féminine à Emilie Dequenne au Festival de Cannes 2012 dans la catégorie "Un Certain Regard " présidé par l'acteur Tim Roth.

Appréciation personnelle : ***

Je passerai sur la polémique de savoir si un artiste peut s'emparer d'un fait divers ou non, si les protagonistes ont le droit ou non d'avoir accès au scénario pour m'attacher à la qualité du film.

Adapté, dit-il, librement, du fait divers que l'on connaît, Joachim Lafosse a pris la distance qu'il fallait pour nous narrer cette tragédie dans une mise en scène sobre et forte, efficace, estompant certains aspects pour simplement nous les suggérer : la violence probable du mari à l'égard de sa femme et ses exigences sexuelles, la relation trouble qui l'unissait à son "père adoptif ", deux circonstances qui pouvaient amener à la destruction du couple.

D'autres éléments entrent en compte : mariés trop jeunes, parents trop jeunes également avec des accouchements qui se sont succédés rapidement, différence culturelle, présence omniprésente du "père adoptif" qui gère le couple, qui l'aide financièrement, dépendance à son égard, promiscuité de vie commune et une jeune femme au caractère faible qui n'ose se rebeller mais accepte contre son gré la situation et de se sentir de plus en plus seule et incomprise quand son mari semble s'entendre davantage avec son "père adoptif" qu'avec elle !

Cela n'excuse pas son geste mais la pression exercée sur elle, le fait qu'elle ne parvienne pas à s'en évader, à fuir, la rend de plus en plus vulnérable et en déséquilibre.

Lente descente aux enfers jusqu'au geste de désespoir ultime filmé avec une pudeur remarquable.

Film troublant sur le rapport aux autres et sur ce qu'on en fait !

Grand rôle pour Emilie Dequenne ! Bouleversante, et le spectateur que j'étais ne peut oublier la scène dans la voiture où elle craque, où elle se fait submerger par sa détresse, par sa solitude, par sa fatigue et qui annonce la tragédie finale.