" Untouchable " (Ce que porte la nuit) de Scott O'Connor.

Télé Moustique, par ses critiques littéraires, m'a déjà permis à plusieurs reprises de découvrir des livres qui me seraient passés inaperçus, soit par ignorance de leur existence, soit parce que le thème ne m'aurait pas tenté mais le nombre d'étoiles donné à ce livre-ci a éveillé ma curiosité et je n'ai pas été déçu !

Né dans l'Etat de New York (à Syracuse), Scott O'Connor vit à Los Angeles : scénariste, réalisateur, acteur, aujourd'hui codirecteur d'une entreprise de postproduction et d'animation (quatrième de couverture) et, pour la première fois, écrivain.

C'est un roman plein de tendresse, de retenue, d'intelligence, de sensibilité pour nous conter la solitude, la peur de l'abandon, la survie de deux hommes, père et fils, suite à la disparition de Lucy, mère et épouse, un an plus tôt.

David, le père, et Whitley, le fils, surnommé Le Kid, profondément attachés l'un à l'autre, vivent en reclus, chacun avec son émotion, chacun avec sa douleur, chacun avec sa blessure, chacun avec sa fragilité, chacun avec ses fantasmes, à chacun sa manière de survivre à l'absence.

Depuis la disparition de Lucy, Le Kid ne parle plus et communique par l'écriture.

David, lui, se réfugie dans son travail, qui n'est pas commun. Il est "nettoyeur de scènes de crimes". Avec ses collègues, il arrive sur les lieux en dernier, une fois que la police a fait son enquête et qu'elle estime que plus aucun indice ne puisse lui apporter d'éléments nouveaux servant à l'enquête.

" Le truc, dans ce boulot, consiste à oublier ce qui s'est passé. Le truc, dans ce boulot, consiste à obtenir un minimum d'informations sur le site, ses anciens occupants, ses occupants actuels, sur ce qui est arrivé là, puis à tout oublier. Afin de ne pas voir l'ensemble du tableau, l'histoire complète. Il n'y a pas de tableau d'ensemble, pas d'histoire complète. Il n'y a que des détails à vaporiser, gratter, emballer, faire disparaître. Le truc, dans ce boulot, consiste à employer pour les détails en question un autre vocabulaire, une liste de termes développés au fil des années par les techniciens, aseptisés pour leur propre protection. Une fois dans la pièce, il n' y a plus ni sang, ni poil, ni dent; ni morceau de cervelle, de coeur, de poumon, d'estomac. Il n' y a pas d'indice de mort violente, d'automutilation ou autre. Il n' y a aucun reste humain en décomposition depuis des jours ou des semaines. Il y a seulement des fluides et de la matière; il n' y a que des traces, des taches, des écoulements..... Il n'y a rien qu'un bazar à nettoyer. Si tu te souviens de ça, si tu as compris ça, alors le boulot est possible. La pièce peut être nettoyée, terminée, remise en ordre. Il faut que le truc de ce boulot devienne la nouvelle vérité de l'appartement : il ne s'est rien passé."

Alors, David nettoie. Il facilite le deuil des autres là où il ne parvient pas à assumer le sien.

Beau et sensible portrait de deux hommes d'où une certaine violence n'est pas exclue : celle du métier exercé par David, le comportement étrange du Kid qui en fait le souffre-douleur de sa classe.

L'attachement aux deux hommes se fait immédiatement, je me suis surpris à les aimer très vite, à ressentir intimement leur vécu, une proximité que je parvenais sans difficultés à transposer en image.