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Entre Deux Eaux
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24 janvier 2013

" De là, on voit la mer " de Philippe Besson.

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En lisant Philippe Besson,  dont je suis un fidèle, je ne peux pas m'empêcher de le rapprocher de Françoise Sagan avec qui il partage, à mon avis, ce sens de l'analyse des sentiments, des blessures de la vie, de la mélancolie, de la nostalgie, de ces petits riens qui font le quotidien de chacun en parvenant, par le choix des mots, à le magnifier et à le rendre singulier ! A nous émouvoir aussi et à nous projeter presque physiquement dans une histoire qui n'est pas la nôtre et pourtant dans lequel le lecteur finit par trouver sa place. Du moins, c'est comme cela que je le ressens !

Si j'ai cru, un moment, que ce livre était moins intense que d'autres de cet écrivain, il a fallu que j'en termine la lecture pour en saisir toute la force. Peut-être la fin m'a semblé facile mais c'est le choix de l'auteur et peut-être a-t-il raison sentant que, pour son personnage, il ne pouvait en être autrement ! Un auteur, finalement, n'est-il pas, parfois, possédé par son personnage jusqu'à lui donner la liberté de disposer de lui ?

Dans ce livre, s'il s'agit de sentiments, il s'agit aussi de l'écriture, de la réflexion sur la solitude de l'écrivain , du pouvoir des mots, de leur exigence, où la fiction prend le pas sur la réalité jusqu'à la mettre en danger !

" Quand l'histoire commence, on est dans la violence de l'été, l'extravagante violence des étés italiens. Le soleil frappe si fort qu'il rend insoutenable au regard le blanc des façades alentour. Il fait aussi la pierre brûlante : impossible d'aller pieds nus. La mer est loin est étale, striée de reflets, on dirait des diamants. Et puis, il y a ce bleu, le bleu du ciel, partout, sans taches, électrique, tellement pur. Et pas un souffle d'air.

Aux premières heures de l'après-midi, une torpeur plonge la ville dans le silence. Les hommes s'adonnent à la sieste, étendus tels des cadavres dans des chambres aux volets mi-clos, les femmes s'occupent dans une sorte de clandestinité, elles sont frappées de lenteur, elles ont perdu la parole. Pas un bruit, sauf parfois l'aboiement fatigué d'un chien, le grondement d'une Vespa.......Pourtant, c'est septembre aujourd'hui. Comment croire que l'automne sera bientôt là ? "

" C'est Livourne à nouveau, où l'automne est soudainement arrivé. C'est le lent ballet des ferries, la corne qui retentit dans l'indifférence lorsqu'ils quittent le port, l'écume qu'ils laissent derrière eux en s'éloignant, la fumée s'échappant dans un ciel laiteux, leur silhouette lourde s'enfuyant vers les îles. C'est la plage désormais absolument déserte, le sable qui colle aux chaussures, les devantures baissées sur le front de mer, un vieillard sous un parapluie. C'est les toits de la ville, les tuiles dont l'ocre est luisant, les antennes de télévision, les fenêtres fermées qui abritent les vies ordinaires. C'est la villa écrasée de silence, un feu dans la cheminée que Graziella a allumé avant de rentrer chez elle, l'écran d'ordinateur où restent accrochées des phrases, et le désir d'une femme qui attend un homme. "

" Il faut parler des hommes aussi......Ceux encore dans leurs habits de marin, qui partiront, peut-être pour longtemps, qui affronteront la mer, les jours et les nuits en mer, qui abandonnent leur famille, et qui ont une pâleur russe et, dans le regard, quelque chose qui les tient à l'écart. "

Pâleur russe.....quelque chose qui les tient à l'écart ! Tellement bien décrit et voici que surgit dans mon souvenir, cette image, celle, il y a de nombreuses années, dans le port d'Anvers, accoudé au bastingage d'un navire militaire russe, d'un tout jeune matelot, encore ado, le regard perdu au loin, élégant et fin, nonchalant, m'accordant sa beauté sans le savoir, ignorant de l'émoi qui m'envahit, innocent du trouble qu'il me cause, beauté d'un instant, la vie immobilisée. Fragilité de ce qui ne dure qu'un instant. L'ai-je encore cette photo !?

 

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