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Entre Deux Eaux
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7 février 2014

" Ravages " de Violette Leduc

 

ravages 2

violette

 

 

Troisième roman de Violette Leduc (1955) et qui subit les coupures de la censure !

Les censeurs étaient de sexe masculin et n'appréciaient pas les amours saphiques comme on disait à l'époque. Les années étaient prudes et la liberté de décrire des amours différentes surveillées et masquées !

Le roman original débute par les amours adolescentes de Thérèse et d'Isabelle, pour se poursuivre par la rencontre de Thérèse et de Marc, puis celle de Thérèse et de Cécile, pour le retour vers Marc, le court mariage qui les unit, la tentative de suicide de Thérèse et son avortement.

Le livre que je viens de terminer occulte les amours adolescentes pour commencer par la rencontre avec Marc, la relation avec Cécile est mise en second plan au profit des retrouvailles avec Marc et de faire en quelque sorte que le roman devienne un roman hétéro !

Coupures perverses qui dénaturent le vrai sens du récit et le déséquilibrent ! On parlait d'obscénité là où s'évoquait la vie dans sa diversité et ses émois pluriels. Violette Leduc était en avance sur son temps comme le fut un peu plus tard une certaine Bardot au comportement libre et naturel qui ne comprit jamais qu'on puisse la qualifier de scandaleuse !

Vivre libre et frontal, en toute sincérité de soi et intégrité, n'est pas le meilleur moyen de se faire une place au soleil et de créer l'apaisement autour de soi et de créer - ou de conserver - des instants de bonheur. Thérèse-Violette, c'est la souffrance de la bisexualité (mal comprise à l'époque !), la peur d'être abandonnée, la peur d'aimer, la solitude en amie ou ennemie, que l'écrivaine traduit avec ses mots à elle, riches en émotions, c'est la tempête au sein de soi, c'est le volcan qui crache sa lave, ce n'est pas le parcours d'un long fleuve tranquille.

J'aime cette violence, ces bousculements, même si parfois je me sens dépassé par ses mots, par ses envolées où je ne parviens pas à la suivre, comme dans les deux autres livres d'elle que je viens de lire. Il n'empêche que Violette Leduc est un personnage d'envergure dans la littérature française par cette volonté de dire, d'être sans fards, nue par les sentiments dévoilés et assumés et, ça, c'est beau et rare surout à cette époque-là !

"Son pas dans la cour. Je m'élançai vers la rampe graisseuse que j'embrassai. Mon baiser fut une grimace d'amour : je ne voulais plus entendre le pas de Marc. La porte d'entrée se referma, un chagrin généreux comme une pluie d'otage me terrassa. Je m'affaissai, je pris deux barreaux de fer dans mes bras. Je ne sentais plus rien, je n'avais plus personne. J'ouvris mes yeux brûlés et usés : le tapis de haute neige qui couvrait la plate-forme aux rats éclairait la fenêtre dans l'escalier. Je me mis à pleurer comme pleurait le silence. Je rentrai dans la chambre, je vis sur la cheminée les deux petits fours desséchés que Marc avait chipés pour moi à un repas de noce : je les rongeai. C'était du sable sucré que je crachai sur le poêle. Je voulus me laver les yeux mais la pèlerine pendue au clou m'attira. Je m'enveloppai dedans sans l'enlever du clou. Le parfum de sa brillantine, le parfum de son tabac, l'odeur de son veston, l'odeur de sa nuque, comme des chacals me déchiraient. Sa pèlerine lui était fidèle tout en étant prête pour n'importe qui. Ce fut intolérable."

 

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