" Les Ambitions déçues " de Alberto Moravia.
" Rien n'inspirait plus de répugnance à Pietro Monatti qu'une conduite dictée par les calculs, impulsions et autres justifications arbitraires de l'amour-propre. Sa haine pour toutes les formes que revêt ordinairement l'amour de soi n'était pas seulement chez lui le résultat d'un mépris instinctif pour les mesquinerires de l'égoïsme et d'une admiration non moins instinctive pour les actes et les desseins généreux, mais la conséquence aussi de certaines expériences malheureuses de sa première jeunesse. Ces expériences avaient en effet conduit Pietro à la certitude de posséder une conscience à tel point incommode et rigoureuse qu'il lui était refusé d'aller jusqu'au bout et de tirer aucun avantage d'une action dont le seul mobile eût été son profit, et (à la différence de la plupart des hommes, qui, égoïstes par nature, ne savent se comporter généreusement que par calcul ou force de volonté) d'être naturellement enclin à l'abnégation, à la loyauté, à l'altruisme, à toutes les vertus humaines. Cette découverte avait été la conclusion d'une longue crise et, fait plus notable, le principe d'une série de bonheurs. Car s'étant mis d'accord avec lui-même et ayant réordonné sa vie suivant les plans qui lui paraissaient les plus conformes à son caractère, Pietro avait enfin connu cette tranquillité de l'esprit qui seule rend possibles le bon succès du travail et les fructueux rapports avec le monde."
Moravia est sans doute l'un des plus brillants écrivains italiens.
C'est un réel conteur, un style, un vocabulaire riche, une peinture minutieuse de la société qu'il décrit et de ces longs paragraphes qui pourraient sembler étouffants, c'est au contraire une légèreté qui s'en dégage car l'écriture est fluide.
Portrait choral d'hommes et de femmes portés davantage par le souci de se placer dans la société que par la générosité, ambitieux parfois au-delà du raisonnable, jusqu'à commettre l'irréparable !
Histoire extrêmement bien construite et, malgré l'épaisseur du livre, très intimiste.