" Jours brûlants à Key West " de Brigitte Kernel
En avril 1955, Françoise Sagan se trouve à New York pour la promotion de " Bonjour Tristesse ". Le succès phénoménal de son premier livre, cette célébrité soudaine alors qu'à peine âgée de dix-neuf ans, la dépasse et l'ennuie !
Lors d'une interview, elle exprime son admiration pour Tennessee Williams. Celui-ci séjournant à Key West avec son compagnon Frank Merlo et l'écrivaine américaine Carson McCullers, en très mauvaise santé et dont les deux hommes s'occupent avec énormément de bienveillance, sans oublier "Mr Moon", le chien fidèle !
Tennessee Williams, flatté et curieux, lui propose de l'inviter pour une quinzaine à Key west au 1431 Duncan Street sans être sûr de sa venue.
C'est l'occasion pour Sagan de fuir New York et elle accepte la proposition.
En 1963, Frank Merlo malade et peu de temps avant de mourir, décide de confier à Brigitte Kernel, écrivaine et jouraliste française, les quinze jours passés avec Sagan.
Cela donne un récit touchant, intime, cette cohabitation entre personnalités si différentes et fortes, les attirances, les méprises, les frémissements, les non-dits, Sagan exerçait un charme diffus, dont elle ignorait ou non l'empreinte sur les autres, sa nonchalance, ses retraits et sa spontanéité, son naturel désarmant et sa timidité souvent rendaient toute approche très ambiguë !
" Il est des êtres qui aimantent le regard, leur particularité nous interroge, nous cherchons à saisir le coeur de l'intrigue qu'ils paraissent être, le sens de leur sourire, de leur amour qu'ils affichent parfois, la manière dont ils évitent un sujet, plongeant à coeur perdu vers tel autre, leur silence, leur oeillade à la dérobée, cette façon dont ils vous fixent, leurs évitements, leurs positions fermes et assumées, les failles qui pourraient aider à en comprendre la singularité. Et nous n'y arrivons pas. Je ne suis pas parvenu, lors de ce séjour à Key West, à me faire une idée précise de qui était Françoise Sagan. Etait-elle amusante de nature ou riait-elle pour contrer une profonde mélancolie, sa timidité comme le faisait Tennessee. Etait-elle naïve dans sa rayonnante jeunesse, ou lucide ou clairvoyante ?
Il y avait quelque chose de pressé dans ce jeune écrivain, une sorte de piétinement intérieur, cela faisait penser au cheval piaffant, secouant son échine quand la course est trop longue à partir. Tout en elle, ses gestes, ses rires, ses paroles, ses silences, sa manière de pencher la tête sur le côté comme si elle était gênée, de remettre ses cheveux en place, m'interrogeait. " (propos de Frank Merlo).