" Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position du missionnaire " de Tabish Khair.

Danemark dans la petite ville de Aarthus.

Pays protestant où se sont installés le narrateur, pakistanais athée et pragmatique, Ravi, un indien non pas incroyant mais plutôt sceptique, et Karim, fidèle à sa religion qu'il pratique avec austérité. Les deux premiers - en perte d'appartement -  se sont installés chez Karim.

Le récit dépeint, avec humour et une certaine légèreté, la cohabitation de ces trois hommes qui appréhendent la religion et la vie de manière différente et leur approche de la vie danoise et leur vie sentimentale. Jusqu'au jour où intervient l'affaire internationalement connue des caricatures de Mahomet et où le narrateur et Ravi se questionnent sur les zones d'ombre de la vie de Karim - ses absences prolongées malgré son travail de chauffeur de taxi et son besoin d'argent, raison pour laquelle il avait accepté de louer deux chambres à ses amis -  et par le fait qu'un des amis de Karim a voulu attenter à la vie d'un journaliste danois.

Récit d'une méprise, d'avancer trop vite certaines suppositions surtout quand il s'agit de musulmans, frontière fragile entre l'assiduité à sa religion et le terrorisme, l'une n'entraînant pas nécessairement le passage à l'acte !

" Karim Bhai était tout aussi poli lorsqu'il écoutait Ravi. Avec moi, il montrait des signes d'impatience discrets, que seuls trahissaient ses coups d'oeil à l'écran de télévision ou ses mains saisissant un journal quand j'abordais sous un angle critique des sujets tels que l'islamisation du Pakistan. En revanche avec Ravi, il faisait un effort, se concentrant sur ses paroles en le dévisageant de ses yeux sans doute maquillés d'un trait de khôl, son front se plissant parfois quand il tentait de suivre le discours de son interlocuteur, qui rebondissait sans cesse d'un thème à l'autre.

Que cherchait-il en écoutant ainsi Ravi ? Les piques de ce dernier sur l'orgueil démesuré de l'Occident, lesquelles apaisaient l'islamiste qui était en lui, même si elles n'étaient pas motivées par les mêmes raisons que les siennes ? Ou s'intéressait-il à Ravi en estimant que celui-ci pouvait être converti à sa cause, quelle qu'elle soit ? Ou bien - chose envisageable, car ils étaient diamétralement opposés -, observait-il Ravi comme une créature venue d'une autre planète ?

Ou était-ce plus simple encore : le respectait-il parce qu'il appartenait à une classe, à une culture différentes ?

Quoi qu'il en soit, il écoutait attentivement Ravi tandis que celui-ci, en retour, formulait ses opinions en des termes nuancés, moins acerbes qu'habituellement, ce qui ne lui ressemblait pas. Par exemple, il ne rejetait pas l'existence de Dieu, mais se contentait de souligner qu'elle ne concordait pas avec ce que l'on savait de la souffrance humaine. Sur ce, Karim secouait la tête et disait, avec tact, qu'il n'était pas d'accord avant de débiter la série d'arguments que les croyants emploient depuis des sicèles afin d'éviter de faire face à leur solitude dans l'univers.

Le débat se poursuivait, paisiblement, dans la cuisine. Je me retirais dans ma chambre pour lire ou faire une sieste. Je ne savais pas vraiment qui essayait de convertir qui, et je m'en moquais. Je n'attendais plus rien de Dieu depuis très longtemps; et si Dieu avait existé, je suis sûr qu'il m'aurait rendu la pareille. "