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Entre Deux Eaux
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18 octobre 2015

" Paradis Amer " de Tatamkhulu Afrika.

9782258116849

Afrika2

Poète et écrivain, Tatamkhulu Afrika (1920-2002) est né en Egypte d'un père égyptien et d'une mère turque. Ses parents meurent lorsqu'il est encore enfant, il est alors recueilli par des amis de la famille en Afrique du sud. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, tandis qu'il se bat en Afrique du Nord, il est fait prisonnier à Tobrouk, en Libye ; c'est cette expérience qui sera à l'origine de la rédaction de Paradis amer. De retour dans son pays d'adoption, il devient fervent militant anti-apartheid, et se retrouve enfermé pendant onze ans dans la même prison que Nelson Mandela " (Babelio).

Ce livre autobiographique publié peu avant la mort de l'auteur, en anglais, n'avait jamais été édité jusqu'à ce jour en français.

J'en ai découvert la critique élogieuse dans une revue littéraire qui m'a donné envie de le lire.

Un camp de prisonniers quelque part en Afrique du Nord, les hommes entassés les uns sur les autres, la promiscuité des corps, la malnutrition, la fatigue, le froid, la saleté, l'usure morale et physique, la pudeur dont il n'est plus possible de se soucier, l'humiliation, les conflits pour assurer sa survie, le besoin sexuel qui, malgré tout cela, se manifeste , des corps qui se rejoignent, qui se donnent le plaisir dans cet environnement hostile, parfois maladroitement parce que le corps finit pas ne plus répondre même si la volonté le voudrait.

Entre Tom et Danny, le rapprochement fut autre, peut-on parler d'homosexualité latente, d'homosexualité fraternelle, le rapprochement de corps du même sexe auquel on finit par s'habituer, par aimer à cause de la singularité de la situation, le complice qui finit par devenir indispensable, parce que c'était lui qui était présent dans la situation la plus terrible qui soit ! Alors, là, peut-être, que le genre n'existe plus car le sentiment vécu est justement au-delà du genre mais concerne l'individu, quelqu'il soit !

Ecriture, forte, intense, à laquelle j'ai dû m'habituer, le début du livre ne m' a pas paru facile, vocabulaire cru aussi  pour peindre un quotidien qui ne prêtait pas au raffinement, les choses sont écrites telles qu'elle ont été vécues.

A leur libération, les deux hommes furent envoyés en Angleterre. Danny, anglais, fut libéré sur le champ. Tom, sudafricain, rejoignit un camp (où il vivait libre) dans l'attente d'un avion pour le rapatriement dans son pays.

Ils se revirent une seule fois, avant le départ de Tom, puis la vie les sépara.

Malgré la demande de Danny, Tom ne fit jamais un voyage retour en Angleterre.

" La libido reste néanmoins une bête capricieuse et Danny et moi sommes suffisamment sexuellement expérimentés pour le savoir avec une judicieuse et nécessaire clarté. Il n'est pas dans notre caractère de discuter de ce genre de question, mais on se connaît assez bien désormais pour sentir - où pour déduire à partir de petits actes  apparemment insignifiants ou du refus de les commettre - ce qu'on veut que l'autre sache afin, au nom de la bienséance, de ne pas franchir une frontière invisible. Ainsi, à l'arrivée du printemps, après le départ du froid meurtrier, lorsqu'il n'a plus de prétexte pour venir dormir à côté de moi et qu'il abandonne progressivement cette habitude, au lieu d'y mettre un terme d'un seul coup, je sais qu'il me dit : " Ecoute, j'aime bien être avec toi comme on l'était avant, et je veux que tu le saches et que tu t'en souviennes avec plaisir quand je ne suis pas avec toi. " A l'arrivée de l'été, lorsque de temps à autre un oiseau se pose prudemment, le bec ouvert, sur la barrière, que les pins semblent frissonner dans la chaleur comme s'il ventait, que nous dormons tous les deux nus dans nos lits, haletants comme l'oiseau, et qu'il monte parfois encore dans le mien sous prétexte d'avoir à discuter de quelque chose, me permettant désormais qu'à son flanc nu de toucher le mien, sans jamais m'attirer contre lui,  je sais qu'il dit : " Ecoute, ce que je veux vraiment dire c'est que je veux être tout près de toi ....Je connais ton corps comme je connais le mien, mais on est en été et l'herbe est sèche. " Veux-t-il dire par là que lorsqu'il est nu ma nudité éveille ses sens comme la sienne éveille les miens ?  Se remémore-t-il la nuit dans l'enclos lorsqu'il y a pas mal de temps déjà j'ai pris sons sexe dans ma main ? Sa nudité m'émeut-elle d'une façon interdite ? Moi non plus je ne peux m'empêcher de penser à la nuit passée dans l'enclos, aux poils de son corps hérissés contre ma peau lisse. Alors s'empare de moi une folle panique que je ne parviens pas à maîtriser. Mais jusqu'où puis-je m'enfuir ? "

 

 

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