" Un certain Paul Darrigrand "

" Que je vous raconte aussi, il y a un garçon dans cette fête. Je revois le visage, une mâchoire carrée, des cheveux blonds, le corps aussi, une silhouette athlétique, pas le genre qui m'intéresse habituellement, je préfère la minceur, la fragilité, je préfère les visages moins photogéniques, et puis je n'aime pas tellement les physiques conquérants, je leur associe, sans doute injustement, une forme de suffisance,  quand je ne suis séduit que par la timidité ou la sauvagerie. Si j'observe le garçon malgré tout, c'est parce qu'il est seul, absolument seul, et cela me frappe comme une incongruité, il devrait être entouré, c'est certain qu'il plaît d'ordinaire, il y a des gens qui ont une séduction implacable, on ne peut pas s'y soustraire, je me demande comment ce vide autour de lui est possible, je songe qu'il est ivre peut-être, que l'ivresse provoque le dépleuplement. C'est alors que je surprends son regard chargé de tristesse, quelque-chose qui tient à distance, qui éloigne. Je pourrais imaginer qu'il a appris une nouvelle nouvelle, ou qu'il accomplit un deuil,  et qu'il n'est venu dans cette fête que pour se frotter à la vie, pour emmerder la mort. Pourtant une autre certitude se forme : c'est son état, la mélancolie, il est ainsi, ce n'est pas une chose circonstancielle. Il m'intéresse aussitôt. Je m'approche de lui, je dis : d'où elle vient la tristesse ? "

Déjà avec "Arrête avec tes mensonges" en 2017, l'auteur nous introduisait pour la première fois dans sa vie personnelle, intime, avec beaucoup de bonheur pour le lecteur. Il se révélait avec pudeur, sensibilité, provoquant une sorte de rapprochement avec celui ou celle qui le lit, comme la confession d'un ami, une émotion partagée de celle que l'on vit parce que l'on sent que quelque chose nous est commun.

Il poursuit dans ce livre-ci cette introspection douce et sensible, avec ses mots à lui, cette petite musique des mots à laquelle je suis sensible et cette analyse tellement juste des rapports humains, parfois si difficiles !